In memorian Pierre Sourzat…

Par Christian Malaurie

Un sourire généreux et lumineux

Ingénieur agricole, expert en trufficulture, journaliste, écrivain, officier du Mérite Agricole, chevalier des Palmes Académiques, chevalier de la Légion d’Honneur, décédé le 16 juillet à Ussel prés Cahors.

Pierre Sourzat nous a quitté le 16 juillet 2023 après une longue carrière dévouée au service de la trufficulture Lotoise.

Pierre Sourzat était né à la ferme à Payrignac ; Il passa sa jeunesse à cueillir toutes sortes de champignons dont regorge ce pays de Bouriane.

Il fit ses études au lycée agricole d’Ondes-Auzeville, près de Toulouse. C’est là qu’il se passionna pour la photographie, ce qui contribua à forger le personnage que l’on a connu, toujours muni de son carnet de notes et l’appareil photographique en bandoulière.

Grâce à ses facilités de contact, il parvint à se former auprès de Gérard Chevalier, chercheur à l’INRA et meilleur spécialiste en matière de trufficulture. Il est recruté en 1974 par le Conseil Général du Lot en tant que technicien chargé de développer la trufficulture, dont les marchés commençaient à péricliter dans le département.

Il fut basé au lycée agricole du Montat, où un laboratoire consacré à la truffe venait d’être créé et des plantations réalisées à partir de 1982-86 grâce à des plants inoculés par la méthode Valérie, précédant la méthode INRA

J’ai moi-même collaboré avec Pierre Sourzat dès 1988, alors que je venais d’être élu Président de la Fédération Régionale puis au syndicat de Martel et à la Fédération Départementale. Ces premières années furent celles du développement de la Station, dont l’équipe s’enrichit de deux techniciens et d’une secrétaire. La structure évolua en Station Régionale Midi-Pyrénées.

Ce fut une période durant laquelle s’établirent de nombreuses expérimentations dans toute la Région, en vue de mettre au point les meilleures techniques de production, adaptées aux différents sols.

En parallèle, Pierre devint rédacteur du Bulletin de liaison des trufficulteurs de Martel et du Lot, qui faisait référence localement. Celui-ci devint Bulletin de la Fédération régionale de Trufficulteurs de Midi-Pyrénées, qui fut un organe de presse agricole très richement rédigé à l’usage de tous jusqu’en 2016. De fait le syndicat de Martel changea le titre de son bulletin en Lien Trufficole de Martel.

Ce technicien dynamique avait à cœur de suivre toutes les manifestations et assemblées des associations, y-compris des dimanches, vacances et soirées lorsque c’était nécessaire. En cela nous pouvons lui rendre hommage, car c’était un encouragement aux adhérents des syndicats trufficole locaux. Il nous a fait découvrir de nombreux exemples de plantations dans d’autres régions et pays où il avait déjà des amis.

Dans les années 2000, des programmes de recherche et de coordination nationaux sont apparus sous la houlette de La Fédération Française des Trufficulteurs.Naturellement Pierre Sourzat y fut immédiatement associé du fait des avancées réalisés dans notre département et la Région et de son expérience à monter des dossiers étayés pour bénéficier des aides Françaises et Européenne pour la recherche et l’expérimentation. La truffe devint ainsi une culture à part entière » (J.C. Savignac). Ce fut pour Pierre une ouverture vers le programme européen et les colloques mondiaux consacrés aux recherches sur les différentes espèces de Tuber

Pierre avait toute sa vie fait l’effort de se former, à commencer dans les langues (Anglais et Espagnol). Il obtint un diplôme d’Ingénieur Agricole, ce qui fit progresser son statut. Il devint l’homme lige des colloques mondiaux, compte tenu de l’expérience acquise en peu d’années. Il visita de nombreux pays sur les différents continents.

Il co-écrivit avec Jean-Marc Olivier et Jean-Charles Savignac le célèbre ouvrage Truffe et Trufficulture, qui fait toujours références en trufficulture moderne. Il fut rédacteur du Trufficulteur Français jusqu’à sa dernière heure et au prix d’un grand courage ce printemps : Car tel était son testament intellectuel, sa contribution à la truffe et surtout aux trufficulteurs qu’il côtoyait depuis un demi-siècle et qu’il a tant aimés.

Il se forma en parallèle sur son deuxième hobby, celui du journalisme, ce qui lui permit de perfectionner son écriture et de devenir une plume incontournable pour les lecteurs férus de nature et de ses produits. On lui doit des centaines d’articles dans les revues techniques, gastronomiques ou associatives, comme par exemple le journal Dire Lot

Comme récompense à ce dévouement, qu’il n’oubliait pas de partager avec ses proches, en particulier son épouse Annie, qui se virent privés de beaucoup d’heures de vie de famille, il fut reconnu par ses pairs et reçut de nombreuses distinctions nationales.

Cet homme exceptionnel et infatigable était des plus affables, arrangeant et dévoué. Mille autres de ses qualités sont citées dans les différents hommages qui lui sont rendus. Son souvenir et sa vision de la trufficulture resteront impérissables. Il était lui-même trufficulteur à Ussel à ses heures.

J’affirme, en paraphrasant une chanson célèbre écrite par Michel Berger, qu’en tant que trufficulteurs «On a tous, en nous, quelque chose de Pierre Sourzat »

Les trufficulteurs de la région de Martel ne l’oublieront pas et présentent leur plus sincères condoléances à son Épouse Annie, à ses enfants et ses petits-enfants.

Pour les trufficulteurs de l’Association lotoise des Trufficulteurs Causses et Vallée de la Dordogne (ex. Syndicat de Martel).

Christian Malaurie

Adieu, Pierre…

Par Raymond Boris

Christian Malaurie a écrit ci-dessus et pour notre Lien Trufficole un très bel article sur Pierre, avec lequel il a beaucoup collaboré. Nous avons tous les deux décidé de lui rendre hommage au nom de tous les trufficulteurs de notre association. J’ai rencontré Pierre un peu plus tard que lui, au cours des années 80, et passionnés de champignons et de nature nous avons parcouru le nord du Lot, le Ségala, ensemble.

Par cette belle fin d’après-midi de dimanche j’arrive dans un beau camping près de la rivière espérance. Ingrid qui me reçoit me trouve tristounet. Je lui confie que je viens d’apprendre la disparition de Jane, dont les chansons et celles de son compagnon ont accompagné ma vie. Puis je m’installe à la table face au micro pour parler de la truffe…

Avant que je termine, le téléphone s’allume et contrairement à mes habitudes je regarde le SMS qui m’informe du départ de Pierre, et là je ne peux plus continuer à parler. Cher Pierre, lorsque tu m’as remis la médaille du mérite agricole à Rocamadour, je t’ai dit que tu étais l’homme qui avait changé ma vie. J’avais découvert la truffe tout petit et quelques autres champignons grâce à ma famille, mais toi tu m’as propulsé dans le monde de la truffe et de la trufficulture. Dans notre association, tous ces stages, journées techniques et voyages fourmillant de découvertes et d’anecdotes ont animé nos vies de trufficulteurs ; ils nous ont bercés de rêves et ont forgé notre culture de trufficulteurs grâce à la diffusion et au partage de tes connaissances. Des journées mémorables dans le Quercy mais aussi dans beaucoup de départements de France et par-delà les frontières, Espagne, Italie, Chine, de grands moments truffés de souvenirs croustillants, lors de repas animés d’histoires et de chansons. Tout un plaisir de prendre le temps du bien-vivre tout en s’en enrichissant de culture trufficole, un peu en voie de disparition aujourd’hui. Ensemble, nous sommes allés plusieurs fois au salon de l’agriculture montrer comment travaillaient nos chiennes et nos chiens pour chercher le diamant noir, face au public parisien. Armé de tes multiples connaissances, tu as parcouru le monde pour y apporter ton expertise et nous écrire de très bons articles dans la revue Le Trufficulteur. Tu as permis à nous tous l’extension de nos connaissances.

PIERRE SOURZAT AMBASSADEUR DE LA TRUFFE SUR NOTRE PLANETE

Après ton départ, on a pu voir des montagnes d’hommages défiler sur la toile, de quoi atteindre les étoiles. Toujours infatigable, tu avais redoublé d’efforts pour que le congrès international sur les champignons qui se tenait à Cahors soit une belle réussite, ce fut le cas. J’ai conservé cette belle affiche où nous avions présenté ensemble Amanita caesarea, champignon mythique. Au cours de ces années, nous avons arpenté le Ségala à la recherche des champignons. Des centaines de photos, les dégustations à la maison. Nous avons tous les deux collaboré à cette excellente revue Champignons Magazine. Cèpes, chanterelles, tricholomes, morilles, nous avons beaucoup partagé sur nos connaissances, nos expériences et nos souvenirs rapportés dans cette revue dans laquelle tu écrivais régulièrement: Dire Lot et de mon côté Haut Quercy magazine. Nous avons passionnément partagé l’amour de la nature. Lors de notre dernière rencontre à Saint-Laurent, Annie avait dû t’amener. Françoise et moi avons pensé qu’hélas c’était la dernière fois que tu quittais notre petite ferme. Merci pour tout ton enseignement, pour ton partage des connaissances, merci pour ce que tu as fait pour notre petite famille. Merci au nom de tous les trufficulteurs de cette association que j’ai eu le bonheur de présider. Nous n’oublierons pas ton sourire et tes yeux pleins de gourmandise lorsque Françoise amenait le dessert sous la treille, après avoir dégusté en entrée le carpaccio d’oronges.

Au nom des trufficulteurs de Martel, très sincères condoléances à Annie, aux filles Claire et Lucie, à leurs compagnons et aux petits-enfants.

Raymond BORIS