William Saenz, le technicien spécialisé en trufficulture de la Station Trufficole du Montat, nous avait préparé, avec l’aide de notre secrétaire-adjointe, Françoise Caviole, une journée pour la diffusion d’informations sur le thème: « Les mycorhizes ». Une journée de plus, oragnisée dans le cadre du dispositif FEADER (Fond Européen Agricole pour le DEveloppement Rural).
L’objectif de cette journée était d’apprendre à distinguer les morphotypes des mycorhizes des principales espèces de truffes et le rôle de leur symbiose dans l’échange entre l’arbre et le champignon.
Après une visite sur site, une présentation théorique le matin et pratique l’après-midi, certains adhérents sont repartis enrichis d’informations complémentaires, d’autres de certitudes mais il reste encore quelques questions sans réponse qui renforcent encore le mystère de notre tubercule préféré…
William Saenz nous présente un prélèvement interessant
Jean-Michel Jarlan, adhérent ALTCVD, avait spontanément accepté notre sollicitation et nous avait préparé un café gourmand bienvenu et très apprécié des 34 trufficulteurs qui s’étaient inscrits pour cette journée de formation.
Jean-Michel nous présenta ensuite, avec une passion communicative, son « jardin trufficole » de 3000 m² et composé de chênes pubescents, verts et chevelus, de charmes, de noisetiers et de cistes truffiers et, pour parfaire le cadre, de lavandes accompagnatrices et déjà odorantes: une truffière exemplaire!
La journée avait été proposée aux adhérents voisins, Lot, Dordogne, Corrèze
Quel est le lien entre le chêne truffier (ou autre), ses racines et les radicelles qui s’en détachent, le manteau et les spinules des mycorhizes, le mycélium et, pour finir: la truffe?
En fait, tous ces éléments sont intimement liés dans un fascinant partenariat biologique.
Le chêne truffier est un arbre qui, lorsqu’il pousse dans des conditions favorables, forme une symbiose avec le champignon truffier. Cette relation commence grâce aux ectomycorhizes, associations bénéfiques entre les racines du chêne et le champignon. À travers ces structures, le champignon aide l’arbre à absorber l’eau et les nutriments du sol, tandis que l’arbre, « reconnaissant », lui fournit des sucres essentiels pour sa croissance. 10% de sa production environ, selon les connaissances scientifiques actuelles que partage William.
Le mycélium, réseau souterrain développé par le champignon truffier s’étend dans le sol à la recherche de nutriments et permet la communication entre les plantes. Ce réseau joue un rôle crucial dans la formation des truffes, qui sont les organes reproducteurs du champignon. Après plusieurs années de maturation, la truffe apparaît sous terre, souvent en symbiose avec le chêne qui favorise son développement.
Cette interconnexion biologique, qui n’est pas encore maîtrisée, est essentielle à la production des truffes!
Il faudra éviter des plantations trop jeunes de façon à ne pas perturber un environnement racinaire encore fragile. 4 ans d’ancienneté est acceptable, comme à Concorès, chez Jean-Michel.
On creuse à une dizaine de centimètres de profondeur pour retrouver les radicelles déjà mycorhizées, à 30 cm environ à l’intérieur de la frondaison.
L’intervention diffère suivant la nature de l’arbre porteur où il sera difficile de les repérer pour un chêne vert, facile pour un chêne pubescent voire très facile pour un noisetier de Byzance avec ses radicelles très « chevelus » .
Sur cette vidéo, William nous explique le prélèvement
Les prélèvements sont conditionnés dans un sac plastique rempli d’eau de façon à les laver et à les conserver en attendant de les analyser à la loupe binoculaire, puis au microscope x40, x100, x200 ou même x400 si on désire finalement observer les spores caractéristiques.
Il est important de procéder par étape pour s’assurer de flêcher l’élément que l’on souhaite analyser: les radicelles, le manteau, la spinule ou les spores…
Ce sera le prochain objectif de cette journée…
De retour dans la salle polyvalente de Concorès et après la mique de Peyrilles, ce ne fût pas très aisé pour William de retrouver les mycorhizes tant recherchées…
Entre la théorie et la pratique, il y a toujours un écart difficile à combler, malgré les années d’expérience de notre formateur.
Tout d’abord, il peut y avoir diverses sortes de mycorhizes (champignons différents) sur une même radicelle et ce ne sera pas facile de répérer la bonne. L’emplacement du prélèvement est déterminant également car l’implantation n’est absolument pas homogène et dépend de nombreux facteurs: l’âge du plant, la nature du sol, l’exposition au soleil, la profondeur…
Ensuite et même avec un matériel performant, il sera très difficile de mettre en avant le manteau en puzzle de la mycorhize et les spinules orthogonales de notre tuber melanosporum. La vision en 2D de la loupe binoculaire (fournie par René Fresquet, un de nos adhérents) ou du microscope n’est pas très bien adaptée pour cette observation qui est mise en place, implicitement, en 3D entre les lamelles.
Dessin extrait de « La Truffe, Guide Pratique » édité par le CTIFL, 22, Rue Bergère, 75009 PARIS
Deux étapes à respecter:
1. Rechercher le manteau qui doit être en puzzle
2. Repérer les spinules qui doivent faire apparaître des branchements orthogonaux
Malheureusement, William n’a pas pu nous montrer clairement et successivement l’un ou l’autre, que ce soit au niveau des prélèvements effectués le matin ou bien sur les plants mycorhizés apportés: pas vraiment une bonne nouvelle pour le pépiniériste…
Il faut cependant relativiser et éviter toute conclusion hâtive sur un si faible échantillon. Cela montre également que l’on ne peut pas s’improviser « Technicien spécialiste en trufficulture… »
Pour élargir un peu le sujet, William s’était organisé pour analyser les spores de truffes melanosporum en apportant, grace à René Fresquet:
des truffes séchées, des truffes congelées une fois, des truffes congelées trois fois et des truffes congelées cinq fois
Conclusion: aucune différence apparente!
Les asques renferment toujours les spores mais relativisons toutefois car les échantillons ne provenaient pas de la même truffe et n’avaient pas été récoltées au même moment sur la saison…
Par contre, sur la photo ci-contre et à la loupe binoculaire, on voit nettement les mycorhizes se développer sur les radicelles du plant de chêne mycorhizé par Françoise. Toutes nos félicitations à notre secrétaire-adjointe, neo-experte en mycorhization…
Avec William Saenz et Françoise Caviole, n’oublions pas de remercier Gérard Gaydou, Maire de Concorès ainsi que son adjointe, Régine Lacan, qui nous avaient mis à disposition leur salle polyvalente pour toute la journée et l’équipe complète du restaurant Mourgues à Peyrilles qui nous avait préparé une mique à la hauteur de leur réputation!
Une journée très agréable qui n’a peut-être pas répondu à toutes nos questions et qui nous invite, une fois de plus, à citer Jean-Baptiste Champagnac, trufficulteur lotois émérite, qui avait fait cette remarque dès le début des recherches, dans les années 70:
« On n’a jamais fait d’omelette avec une mycorhize… »