C’est dans le cadre du dispositif FEADER (Fond Européen Agricole pour le DEveloppement Rural) que William Saenz, le technicien bien connu de la Station Trufficole du Montat, nous avait concocté, avec l’aide de notre secrétaire, Christine Sedilot, ce voyage d’échanges très enrichissant, avec nos collègues de Lozère.
Didier Persegol, Président du Syndicat des Trufficulteurs Lozérien et Vice-Président de la Fédération Régionale des Trufficulteurs d’Occitanie (FRTO) nous explique le contexte et sera très ouvert à notre curiosité…
Didier Persegol, au milieu de sa truffière (Gorges du Tarn)
A la question « Comment parvenez vous à fédérer aussi bien les trufficulteurs de Lozère« , Didier Persegol nous répond tout simplement: « Partage et convivialité!«
Nous sommes agréablement surpris car, sous nos contrées lotoises, l’idée associée à la truffe apparaît plus proche du mystère que du partage. En effet, dans ce milieu très secret, chacun pense peut-être détenir « la » vérité et craint la réussite de son voisin qui pourrait entraîner la saturation du marché… Pourtant, ce n’est vraiment pas raisonnable quand on regarde l’évolution de l’offre et de la demande sur les 100 dernières années…
Une dizaine de trufficulteurs lotois s’étaient inscrits pour ce voyage et Didier Persegol va rapidement nous convaincre. Il va s’attacher à nous montrer, sans effort, naturellement, durant ces deux jours d’échanges très fructueux et très appréciés de tous, que nous gagnerions à suivre sa philosphie…
Didier Persegol nous reçoit au siège local du Syndicat dans le petit village, Les Vignes, situé au bord du Tarn et avec Gilberte Solier venue de Sainte-Enimie, un peu en amont sur le Tarn, il nous fait un bref historique de la situation lozérienne de la trufficulture.
La production lozérienne provenait uniquement de truffières sauvages, entretenues plus ou moins volontairement par le pâturage. Malheureusement, après la guerre, avec l’abandon progressif de l’agriculture dans les Gorges, la production a chuté au fur et à mesure de l’embroussaillement des sols.
Avec la création dans les années 80, du premier Syndicat des Trufficulteurs Lozériens, les premières plantations d’arbres truffiers sont réalisées sur d’anciennes parcelles agricoles, notamment dans la commune de La Malène.
Depuis les années 90, le Syndicat lozérien a connu une extension importante et compte aujourd’hui 110 adhérents. Ces dix dernières années, ce sont plus de 10 000 arbres truffiers et 31 hectares qui ont été plantés, en majorité dans les Gorges du Tarn et souvent sur des très petites parcelles avec les conseils et l’expertise de Laurent Genola, technicien de la station trufficole du Montat, près de Cahors.
Chaque année, d’anciennes vignes sont défrichées et de nombreux « bancels », « plonques » ou terrasses réapparaissent au détour des ravins. Les essences préférées sont le noisetier de Byzance ou commun, le chêne blanc (pubescent), kermès, vert ou faginé et parfois le tilleul.
Entre le vendredi 4 et le samedi 5 octobre, plusieurs sites nous ont été présentés, toujours très bien accueillis par les trufficulteurs:
François Mohédano nous reçoit dans sa petite truffière située juste derrière sa maison et là, on ne peut être qu’admiratif devant le travail accompli dans des pentes dépassant les 100%!
Didier Persegol nous rapporte que Jean-Baptiste Champagnac, trufficulteur lotois émérite, avait fait la même remarque lors de son passage en Lozère:
« Chez nous, dans le Lot, on est vraiment fainéants! »
Le brûlé (ou futur brûlé) est travaillé, tous les ans, à la main. La mécanisation est impossible! L’irrigation, indispensable, est en place.
François Mohédano nous confirme les règles énoncées par Didier Persegol et suivies par tous les adhérents du syndicat:
» Travail du sol, taille des arbres, irrigation des parcelles et réensemencement des brûlés… »
La recette semble porter ses fruits car l’année passée, 500 kg de truffes ont été prélevées et 300 kg ont été vendues par l’intermédiaire du syndicat.
Pour le moment, la Lozère n’organise pas de marchés au détail destinés au public. Les plus proches sont à Uzès, dans le Gard ou à Lalbenque dans le Lot…
Sa production se répartit sur plusieurs petites parcelles, certes parfois très proches du Tarn, plus faciles à irriguer, mais parfois plus éloignées et pour lesquelles il faut recourrir à d’autres technologies: citernes souples, récupération d’eau pluviale ou de source ou raccordement au réseau public.
Dans les gorges du Tarn, la mécanisation est possible car les terrains sont relativement plats alors qu’elle est rigousement impossible sur les autres sites, compte-tenu de la pente naturelle du terrain!
Nous avons terminé notre visite sur une truffière appartenant à son fils, micorhyzée avec de la Tuber Aestivum et travaillée avec un robot porte-outils (voir vidéos ci-dessous).
Sur ces parcelles très pentues, l’utilisation du tracteur est à proscrire compte-tenu du risque très élevé de retournement. Même le motoculteur ne semble pas adapté car il faut passer plus de temps encore à remettre en place le sol que l’on vient de travailler: bigos + grelinette: la recette du succès!
Olivier Mirmand, le fils du Président du syndicat des trufficulteurs de Lozère des années 90, nous présente sa truffière située sur les hauteurs du village pittoresque de La Canourgue. Là aussi, l’accès à la parcelle n’est pas facile et l’irrigation doit être gérée si on veut avoir des résultats.
En Lozère, pas de truffes sans irrigation!
Le problème, c’est de savoir à quel moment la truffe a besoin d’eau et à quel moment doit-on lui apporter le complément. En effet, sans un contrôle permanent et scientifique de l’eau « disponible » dans le sol, on risque d’apporter une quantité supérieure aux besoins et peut-être compromettre la production.
C’est pourquoi, avec les techniciens de la station du Montat, un programme a été mis en place pour installer sur 3 sites lozériens, à La Malène, à Ispagnac dans les gorges du Tarn et à La Canourgue, dans la vallée du Lot, des points de mesure partagés avec les trufficulteurs abonnés.
Dès que le « Point de Flétrissement » (PF) risque d’atteindre la valeur de 4, une alerte est donnée par le dispositif mis en place et les trufficulteurs peuvent et doivent irriguer. Malheureusement, la réponse du sol est variable et retrouve son potentiel de rétention d’eau très variable suivant les sites… et seul le trufficulteur expérimenté gèrera l’apport en eau comme il convient. On progresse mais l’investissement n’est pas négligeable (2000€ par site) et reste un frein à l’extension du concept.
Dès notre entrée sur la parcelle, on voit tout de suite que la précédente activité professionnelle de Maurice Fages était « paysagiste » tellement il a cherché et réussi à soigner l’environnement et l’esthétique, pour obtenir, de l’avis de tous, un très beau résultat!
Avec sa fille Charlène et sa femme Brigitte, il a pris plaisir à nous faire découvrir sa truffière et à nous parler de son projet de « pouvoir filmer la naissance d’une truffe« . Tout un programme encore au stade expérimental dont on ne dévoilera pas ici le secret… on attend la première à Cannes!
Là aussi, chez Michel Vieilledent, beaucoup de travail et d’abnégation pour arriver à ce résultat qui nous laisse tous admiratifs, surtout quand il nous a montré l’état du terrain avant la plantation, en septembre 2015…
Les arbres sont plantés sur des terrasses qui ne sont même pas planes tellement la pente naturelle du terrain est importante. L’avantage, c’est que, le plus souvent, une seule rangée d’arbres a pu être plantée sur chaque « plonque » et la densité de plantation apparaît alors interressante.
Aucune mécanisation n’est possible sur cette parcelle et seuls la grelinette ou le bigos ont été utilisés. C’est à peine croyable mais de l’aveu de Michel Vieilledent, avec ses 500 plants, on atteint là, les limites du possible… et on n’a aucun mal à le croire!
C’est sur ce site que nous avons terminé notre escapade en Lozère. Nous avons tardé à quitter nos hôtes tellement l’ambiance était sereine…
Nous remercions chaleureusement nos hôtes, ceux déjà cités plus haut, qui nous ont permis l’accès à leurs parcelles et à leurs connaissances, mais aussi Jérémy Mamet, le plus jeune producteur présent sur site, très attentif aux conseils des anciens et prêt à poursuivre leur oeuvre et Jacky Costecalde, omniprésent pour un bon mot ou une anecdote pleine de bon sens…
Eric Viltard, notre Président de l’Association Lotoise des Trufficulteurs Causses et Vallée de la Dordogne (ALTCVD), enchanté lui aussi de l’accueil, a promis de rendre la pareille en acceuillant nos hôtes très prochaînement dans le nord du Lot.
En dehors des truffières, nous n’avons pas perdu notre temps, super bien accueillis sur les sites touristiques ou gastronomiques locaux incontournables…